Dans son discours de victoire, le nouveau premier ministre Carney a lancé un avertissement percutant : “Les Américains veulent nos ressources, notre eau, nos terres, notre pays. Réfléchissez-y. S’ils réussissent, ils détruiront notre mode de vie.”

 

Ce message récurrent pendant la campagne électorale a touché un point sensible chez les Canadiens. En menaçant les traités historiques sur l’eau et en évoquant l’exportation massive d’eau, le président américain Trump a forcé les Canadiens à considérer l’eau comme un élément essentiel à leur souveraineté, à leur sécurité et à leur survie.

 

Avec 20% des réserves mondiales d’eau douce, les canadiens et canadiennes sont, à juste titre, fiers de la beauté et de l’abondance de leurs lacs et rivières. Mais dans un contexte de changement dans les relations entre le Canada et les États-Unis, combiné aux impacts des changements climatiques et de la pollution, l’eau s’impose désormais comme une priorité.

 

L’eau est un élément fondamental de notre économie, de nos systèmes alimentaires et énergétiques, ainsi que de notre sécurité nationale. Nous devons faire face à cette situation avec des solutions novatrices pour relever les nouveaux défis liés à l’eau.

 

C’est pourquoi le nouveau Fonds stratégique pour les technologies liées à la sécurité de l’eau de 100 millions de dollars, inclus dans la plateforme du Parti libéral, marque un tournant pour le Canada. C’est la première fois que le gouvernement fédéral fait de l’innovation en technologies de l’eau une priorité nationale.

 

Ce nouveau fonds donnera un nouvel élan à la recherche canadienne, à la surveillance de l’eau grâce à l’IA et aux solutions innovantes des entreprises, afin de mieux protéger nos réserves d’eau douce et nous préparer aux tensions hydriques mondiales.

 

En tant qu’organisme à but non lucratif de premier plan visant à générer des solutions entrepreneuriales à la crise de l’eau au Canada, AquaAction plaide depuis deux ans pour ce type de réflexion audacieuse et innovante. Nous sommes prêts à mobiliser l’écosystème d’innovation hydrique afin de maximiser son impact. Il s’agit de bien plus que de technologie : il s’agit de défendre la souveraineté du Canada, de stimuler notre économie et de développer une diplomatie de l’eau avec les États-Unis.

 

Le nécessité de trouver des solutions innovantes face aux enjeux de l’eau n’a jamais été aussi grande.

 

Les sécheresses récurrentes dans les Prairies forcent des choix difficiles sur l’allocation de l’eau pour les agriculteurs et d’autres secteurs. L’avantage hydroélectrique du Canada est de plus en plus fragilisé par les changements dans les chutes de neige et les régimes de précipitations.

 

Il n’y a pas de sécurité alimentaire ou énergétique sans sécurité hydrique. Le Canada doit agir d’urgence pour soutenir les technologies et les politiques qui protègent nos ressources en eau. Si nous jouons bien nos cartes, le Canada ne se contentera plus d’être un simple fournisseur des resources naturelles, il deviendra un exportateur de technologies hydriques innovantes.

 

L’économie bleue canadienne — l’utilisation durable des ressources en eau douce — génère déjà des emplois et de l’innovation. Mais nous ne faisons qu’effleurer son potentiel.

 

Partout au pays, des projets soutenus par AquaAction démontrent des solutions concrètes : restauration des eaux après incendie dans le parc Jasper, nanotechnologies pour nettoyer les bassins miniers en Ontario, bioénergie à partir d’algues au Québec, et outils de gestion en temps réel pour faire face aux sécheresses dans les Prairies.

 

Ces initiatives existent. Elles ont besoin d’être déployées à grande échelle - et d’une volonté politique ferme pour les soutenir.

 

Au Québec seulement, AquaAction a contribué à créer ou à maintenir plus de 300 emplois et soutient des entreprises générant plus de 200 millions de dollars par an, s’attaquant à des enjeux comme la qualité de l’eau potable et les risques d’inondation.

 

La création de l’Agence canadienne de l’eau ouvre la voie à une meilleure coordination fédérale-provinciale. Alignée avec le nouveau fonds technologique, elle est bien placée pour dynamiser l’innovation hydrique, stimuler les investissements provinciaux, faciliter la commercialisation et renforcer les exportations.

 

Le Canada a le talent, la technologie et la confiance pour devenir un leader mondial en matière de protection de l’eau douce.

 

L’eau n’est pas infinie ni garantie. Mais si nous la protégeons - stratégiquement, collectivement et avec conviction - elle peut devenir une source de force, de sécurité et de prospérité partagée pour les générations futures.

 

Soula Chronopoulos est présidente d’AquaAction, un organisme à but non lucratif dédié à bâtir un avenir sécuritaire pour l’eau en soutenant une nouvelle génération d’entrepreneurs. Membre du Forum for Leadership on Water et de la Coalition canadienne pour des eaux saines, elle a été reconnue comme l’une des 100 meilleures entrepreneures canadiennes par le magazine Profit, et enseigne l’entrepreneuriat et le développement durable à l’Université McGill.